GREGORY PRIVAT

L'Astrada de Marciac, jeudi 24 juillet 2025

Chronique d'Annie Robert / Photographies : tous droits réservés

Grégory Privat, album "Phœnix". Photographie : tous droits réservés
Grégory Privat, album "Phœnix". Photographie : tous droits réservés

Grégory Privat est un artiste que l'on connaît bien depuis quelques années déjà. Sideman de talent, il sait se glisser sans encombres dans le style de celui ou de celle qu'il accompagne mais en y insufflant une patte reconnaissable, une couleur bien à lui. On sait qu'il est là, à travers son énergie, une inspiration renouvelée, de l'élan, de la densité et de la profondeur. Personne ne s'y est trompé d'ailleurs et les récompenses se sont accumulées, la dernière en date étant le Prix Django Reinhardt de l'Académie du Jazz en 2024.

 

Il faut dire qu'il est tombé dans la musique comme Obélix dans la marmite de potion magique, dès l'enfance. Son père, José Privat, étant compositeur et pianiste du groupe martiniquais Malavoi, cela génère des bases solides et lumineuses et une inspiration créole qui fait partie de ses fibres, de sa musique intérieure.

 

L'album qu'il présente aujourd'hui se nomme "Phoenix", comme l'oiseau qui renaît toujours de ses cendres. Et même si c'est un oiseau flamboyant et magnifique à l'image de sa musique, voilà un titre pas tout à fait approprié. Car Grégory Privat ne renaît pas de ses cendres, il n'est pas cendres à aucun moment. Je dirai plutôt qu'il s'expose, se dévoile, accepte ses complexités avec ou sans pudeur de violette, cela dépend des morceaux. C'est davantage une fleur qui s'ouvre, se découvre sur une intimité, pistils de caraïbes, efflorescences de jazz, volutes électroniques de liseron, facettes colorées, douceurs bouclées de pourpre, souvenirs mordorés de l'ailleurs quel qu'il soit.

Tilo Bertholo, Grégory Privat, Chris Jennings, album "Phœnix". Photographie : Jeff Ludovicus
Tilo Bertholo, Grégory Privat, Chris Jennings, album "Phœnix". Photographie : Jeff Ludovicus

La disposition scénique est un peu inhabituelle : piano central surmonté d'un synthé, avec contrebasse dans le dos et batterie à moitié cachée par le couvercle ouvert du piano à queue.

Il doit y avoir entre ces musiciens une grande complicité et une belle confiance, car Grégory Privat ne voit pas les deux autres musiciens facilement et pourtant cela fonctionne. Il faut dire que son trio n'est pas composé de demi portions, ou de demi potions : Chris Jennings à la contrebasse, toujours magistral et Tilo Bertholo à la batterie créative qui va monter en intensité et en virtuosité au fur et à mesure du set (un solo de ouf, mais de ouf !).

 

Compositeur et pianiste Grégory Privat se révèle également vocaliste avec une voix de ténor solide, passant sans faille de la voix pleine à la voix de tête. Il chante en créole, sa langue mère, celle du cœur, des parents et de l'émotion. Et si l'on ne comprend pas toutes les paroles, on en sent le sel profond.

Grégory Privat, album "Phœnix". Photographie : tous droits réservés
Grégory Privat, album "Phœnix". Photographie : tous droits réservés

Le premier morceau "Phoenix" est sautillant, mélodieux, une chanson de liesse, de sable, d'or et de plaisir où l'impro a toute sa place. "Genesis" se fait plus grave et "Las" plus sophistiqué mêlant boucles et pédales. Le trio cherche à pousser les limites du son, pas dans l'excès de décibels mais dans la couleur, les adjonctions, les surprises avec plein de fausses finales, de détournements, de transformations, de torsions instrumentales. La batterie joue sans esbroufe, la contrebasse est sobre et puissante, la sincérité habite le groupe et entremêle les sons en multiples pétales.

 

"De l'autre côté" morceau dédié à son centenaire de grand-père déroule une ballade de notes tendres pour maintenir l'absent et "Supernova" avec l'aide émue du public, scintille de petites lumières rondes après installation de l'atmosphère au piano avec une belle contrebasse à l'archet.

On finit le set avec "Soley" positif et lumineux, dans un départ contrebasse solo où tout le talent de Chris Jennings peut s'exprimer dans la mélodie et le rythme, et l'entrée percutante du piano.

 

Ça pulse, ça rythme, ça avance sans rien de conventionnel, avec toujours quelque chose à découvrir, de neuf et d'iconoclaste par instant mais une immense envie de jeu, au sens enfantin comme une battle riante. Et c'est contagieux. Tilo Bertholo, avec sa mine d'étudiant sage est un "Tueur" à la rythmique, éblouissante et à la dextérité diabolique.

 

Un rappel joyeux clôturera le concert et chacun regrettera un moment trop vite passé.

Les morceaux se sont succédés comme des escales dans un voyage intérieur éclairant auquel Grégory Privat et ses deux partenaires nous ont convié avec simplicité, avec sincérité, sans excès de zèle. Son langage musical, unique, s'est glissé dans nos oreilles, invitant au rêve ou la joie optimiste. Tous portent sa signature.

Et c'est la marque des grands.

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