L'Astrada de Marciac, samedi 26 juillet 2025
Chronique d'Annie Robert / Photographies : Sylvain Gripoix, Jean-Jacques Abadie

Voici donc NUBU, acronyme de Nahash Urban Brass Unit, lauréat Jazz Migration 2024.
"Attention" m'avait-t-on dit... "Groupe atypique..."
Au premier regard rien de bien différent pourtant : une section rythmique classique (contrebasse et batterie) une chanteuse blonde (ah le cliché) et deux soufflants...
Atypique vous avez dit, bof, je ne vois pas...
Mais en y regardant de plus prêt, la batterie n'a pas vraiment de grosse caisse mais un gros tambour debout, un tom fait de peau simple et une caisse en bois qui sonne...

La chanteuse joue aussi du serpent, un imposant instrument baroque ancêtre du tuba qui tout de suite fait lever le sourcil et les deux soufflants ne sont pas saxophoniste ou trompettiste comme d'habitude mais un tromboniste et un flugaboniste. Dans le genre jazz classique il n'y a que la contrebassiste (Marion Ruault) mais qui va se revéler redoutable de facilité ingénieuse.
Mais oui au final... atypique, mais pas seulement par la symbiose entre des instruments d’époques différentes, atypique aussi dans les choix des atmosphères, le fait que l'on n'a pas ou peu d'instruments harmoniques et surtout le traitement de la voix malaxée comme une matière à part entière, nourrie de chants à trois ou quatre voix, de scansion, de yodels, de cris. Car tous ces musiciens chantent et de belle façon. On le découvrira au fur et à mesure du set.

Le concert est organisé en chansons successives, entrecoupées de trois petits récits autour de la légende des "Sisters", un abominable récit folklorique de fratricide avec cadavre noyé qui renaît en instrument de musique.
La première partie de cette histoire entame d'ailleurs le concert sous la forme d'un duo voix / contrebasse, les deux filles du groupes narrant la fable terrifiante des Sisters.
La voix d' Elisabeth Coxall est d'une souplesse rebondissante, tirée parfois comme un élastique, gourmande à d'autres moments et parfaitement maîtrisée.
L' inspiration puisée dans le folklore anglais ou nordique va devenir une constante légère mais palpable permettant de faire le lien entre modernité, jazz et musique contemporaine.

NUBU travaille tous les aspects du son : le doux, le brut, le sourd, l'énorme, le délicat, le grinçant, le câlin, le réconfortant, le bois, le cuivre, la peau , le métal, le cri, le souffle, l'harmonie ou les épines.
Plus tard deux autres duos viendront terminer le conte ; l'un mêlant chant et flugabone (Victor Auffray), l'autre chant et petit xylophone d'enfant (Guillaume Lys aux percussions).
Entre temps Thibaut Du Cheyron (trombonne) nous aura fait partager son blues du chagrin d'amour dans une pièce heurtée, nommée "Potiron", nous aurons découvert "Boma", demeure collective constituée d'épines, "Snake friendly" qui met en avant les sonorités sourdes et puissantes de ce serpent ondulant ou "Pierrot magique" sur un thème ancien repris par Led Zepp lui même.
L'ensemble du travail musical de NUBU visiblement structuré, écrit, travaillé dans les moindres détails, même si la liberté créative de chacun est grande, se déroule comme ce serpent réjouissant et iconoclaste qui est leur marque de fabrique.
C'est un incroyable folklore que le leur, un lien entre les époques. On s'aperçoit alors qu'ils comblent une faille temporelle, ravive les héritages et que cela manquait à un monde rond, sans limites et fraternel...
Remarquable.